Biométrie sur le lieu de travail : quelles limites ? 

En Suède, la société Epicenter a récemment pris la décision d’implanter une puce électronique à ses salariés, afin de remplacer le badge d’accès aux locaux de l’entreprise et de faire fonctionner la photocopieuse. Qu’en est-il en France ? 

 

1/ Qu’est-ce que la biométrie ?

La biométrie peut être définie comme la technique d’identification d’une personne à partir de ses caractéristiques physiques (empreintes digitales, iris de l’œil,…) ou biologiques (sang, ADN,…).

Pour la CNIL, « la biométrie regroupe l’ensemble des techniques informatiques permettant de reconnaître automatiquement un individu à partir de ses caractéristiques physiques, biologiques, voire comportementales. »

La CNIL ajoute que les données biométriques sont des données à caractère personnel en que qu’elles permettent d’identifier une personne, ayant la particularité d’être uniques et permanentes.

Ainsi, elles permettent le traçage des individus, agissant comme un « identificateur unique. »

Sur le plan professionnel, la biométrie peut être utilisée à plusieurs fins, et notamment pour autoriser l’accès aux locaux de l’entreprise, contrôler le temps de travail ou allumer l’ordinateur de travail.

Ce dispositif de contrôle est cependant soumis à de nombreuses conditions, compte tenu des contraintes qu’il fait peser sur les libertés individuelles.

 

 

2/ Dans quels cas peut-elle être admise ?

La CNIL a défini un cadre applicable à certains dispositifs biométriques, permettant à l’employeur de bénéficier d’une procédure simplifiée en adressant à la CNIL une simple déclaration de conformité.

Ces dispositifs sont au nombre de trois et visent ceux reposant sur la reconnaissance :

• du contour de la main pour assurer le contrôle d’accès au restaurant scolaire (autorisation n°AU-009) ;

• du contour de la main pour assurer le contrôle d’accès aux locaux et à la restauration sur les lieux de travail (autorisation n°AU-007) ;

• de l’empreinte digitale exclusivement enregistrée sur un support individuel détenu par la personne concernée pour contrôler l’accès aux locaux professionnels (autorisation n°AU-008).

 

Si le dispositif biométrique obéit à l’une de ces trois finalités, l’employeur peut présenter une déclaration simplifiée auprès de la CNIL.

 

NB. L’utilisation de dispositifs de reconnaissance biométrique, pour la gestion des contrôles d’accès aux locaux, des horaires et de la restauration ne peut pas faire l’objet de cette demande d’autorisation.

 

Le recours à la biométrie n’est donc possible que dans des hypothèses très limitées, et ne saurait justifier un contrôle des horaires de travail.

Si le dispositif n’est pas conforme à l’une de ces autorisations uniques, il est possible de solliciter une autorisation spécifique auprès de la CNIL.

Cette dernière examine au cas par cas les demandes qui lui sont adressées afin de déterminer si, au regard des éléments du dossier, le dispositif est proportionné ou non à la finalité (CNIL.fr).

Cette exigence de la CNIL rejoint les dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail selon lesquelles « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

 

 

3/ Dans quelles conditions ?

Lorsqu’il est justifié, le recours à la biométrie est soumis à de nombreuses conditions de consultation et d’information.

 

3.1/ Information / consultation du comité d’entreprise 

L’information / consultation du comité d’entreprise est requise sur le fondement de trois articles spécifiques :

– Article L. 2323-13 du Code du travail : «  Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à tout projet important d’introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d’avoir des conséquences sur l’emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail. »

– Article L. 2323-32, alinéa 3 du Code du travail : « Il est aussi informé, préalablement à leur introduction dans l’entreprise, sur les traitements automatisés de gestion du personnel et sur toute modification de ceux-ci.  »

– Article L. 2323-32, alinéa 3 du Code du travail : « Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. »

 

La consultation du comité d’entreprise doit permettre à ce dernier de donner son avis sur la pertinence et la proportionnalité entre l’utilisation de la biométrie et la finalité recherchée.

 

 

3.2/ Information / consultation du CHSCT

Le CHSCT doit également être informé et consulté sur le recours à la biométrie, en application de l’article L. 4612-8 du Code du travail.

Ce texte dispose en effet que « le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail…  »

La Cour d’appel de Paris (CA Paris 5 décembre 2007, n° 07-11402) a retenu cette solution concernant l’enregistrement automatique des communications des salariés.

Il y a lieu de considérer que la mise en place de la biométrie impose à l’employeur la saisine préalable du CHSCT, compte tenu des termes très larges de l’article L. 4612-8 du Code du travail.

 

 

3.3/ Information des salariés

Enfin, chaque salarié doit être informé, conformément à l’article L. 1222-4 du Code du travail selon lequel « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. »

Bien que le texte ne l’exige pas expressément, il est fortement conseillé de procéder à une information individuelle de chaque salarié, afin d’éviter toute contestation.

 

 

 


Expert Informatique et formateur spécialisé en sécurité Informatique, en cybercriminalité et en déclarations à la CNIL, Denis JACOPINI et Le Net Expert sont en mesure de prendre en charge, en tant qu’intervenant de confiance, la sensibilisation ou la formation de vos salariés afin de leur enseigner les bonnes pratiques pour assurer une meilleure protection juridique du chef d’entreprise.

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Source : http://www.village-justice.com/articles/Biometrie-sur-lieu-travail-quelles,18886.html

 

 

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