Les atteintes aux libertés de la Loi Renseignement

Hier, le Sénat a commencé l’examen du projet de loi sur le renseignement par l’inévitable discussion générale. Chacun des groupes et sénateurs a pu ainsi donner « sa » religion sur ce texte, contesté par bon nombre d’organisations de la société civile, tout comme la CNIL ou le défenseur des droits. Compte rendu. 

 

D’entrée, Manuel Valls a jugé le texte comme indispensable afin d’apporter la précision et l’encadrement nécessaire aux activités des services du renseignement, dans un contexte d’évolution technologique : « Il faut pouvoir suivre les terroristes sur leurs réseaux, car ils utilisent tous les outils du numérique pour leurs actions de propagande et d’embrigadement, ainsi que pour échanger. C’est pourquoi nous autorisons le recours aux algorithmes : afin de détecter des terroristes jusqu’alors inconnus et des individus connus qui recourent à des techniques de dissimulation. Moins d’un djihadiste sur deux avait été détecté avant son départ en Syrie ; nous devons pouvoir faire mieux. »

 

 

Quand Philippe Bas s’attaque aux « inoculations toxiques »

Des propos à comparer à ceux de Philippe Bas (UMP), rapporteur du texte : « Le texte confronte les intérêts fondamentaux de la Nation et la sauvegarde de la vie humaine aux exigences aussi fortes que sont le respect de la vie privée et la garantie des libertés fondamentales. Il donne un cadre légal aux services de renseignement » s’est-il félicité, en pleine phase avec le gouvernement. S’en prenant aux détracteurs, il jure cependant que ce projet « ne renforce pas les moyens des services de renseignement, ce n’est pas son objet. Il n’a rien à voir avec la caricature qui en a été faite. Les critiques qui lui sont faites, cependant, sont autant d’anticorps pour que l’État de droit résiste à des inoculations toxiques pour les libertés ».

Une erreur d’analyse patente puisque le projet de loi vise bien à décupler les moyens des services du renseignement, au motif ou prétexte de leur encadrement.

 

 

Renseignement, Google, même combat

Yves Detraigne (UDI-UC) s’en est tout autant pris aux opposants à ce texte qui condamnent l’usage des algorithmes, « dont l’utilisation quotidienne, à des fins mercantiles, par les géants du web tels que Google, ne provoque pas les mêmes réactions ». Comme si Google pouvait vous envoyer en prison…. Jean-Jacques Hyest (UMP) a pris pour cible la presse et les discours anxiogènes amplifiés lors d’une précédente loi sécuritaire: « On annonçait une catastrophe pour les libertés publiques, c’était « l’horreur » – alors que l’article 13 est plus protecteur des libertés publiques que le droit qui prévalait jusque-là. » Tellement protecteur que cet article (devenu l’article 20), qui autorise l’aspiration de données de connexion par le renseignement, est actuellement en voie de QPC au Conseil d’État. La Quadrature du Net, FDN et FFDN ayant victorieusement fait valoir aux yeux du rapporteur que certains droits et libertés fondamentaux étaient un peu trop menacés par ces mécanismes, qui servent de socles juridiques à la loi Renseignement.

 

 

Il y aura des faux positifs et des atteintes aux libertés

Pierre Charon (UMP) admet sans sourciller que des « faux positifs »  seront possibles avec les boites noires (algorithme détectant les premières traces de menace terroriste). Mais pas grave : « Cela confirme que nos services ont aussi besoin de moyens humains » et que « les citoyens doivent avoir des voies de recours ». Analyse similaire chez Jean-Pierre Sueur (PS) qui explique que les atteintes aux libertés sont nécessaires : « Vous savez qu’il existe des sites dangereux parce qu’ils encouragent à l’oeuvre de mort. Je crois l’atteinte aux libertés nécessaire pour combattre le terrorisme, pourvu qu’elle soit limitée par le droit ». La question du terrorisme cependant n’est qu’un petit versant de ce texte qui autorise l’espionnage pour d’autres fins, notamment celle de la défense ou la promotion des intérêts français.

 

 

Le germe d’une collecte massive débouchant sur une surveillance généralisée

La sénatrice Michelle Demessine (CRC) sera pour sa part plus critique : « ce texte porte en lui le germe d’une collecte massive et indifférenciée de données qui débouche inévitablement sur une surveillance généralisée de la société. ». Claude Malhuret (UMP) embraye, plus réservé encore : « On nous dit que ne seraient concernées que les métadonnées. Cela relève de l’escroquerie intellectuelle. M. X, marié, se connecte tous les quinze jours à un site de rencontres extra-conjugales ; M. Y, dans la même situation, visite toutes les semaines un site de rencontres homosexuelles. Les métadonnées contiennent toute l’information intéressante. Point besoin de connaître aussi le contenu ».

 

Le sénateur s’est d’ailleurs appuyé sur les (pseudos) reculades aux États-Unis en matière de renseignement pour justement torpiller le pas de danse français. « Nous ne sommes plus loin des horreurs décrites par Orwell après la révélation par Edward Snowden des pratiques de la NSA » ajoute Catherine Morain-Desailly (UDI-UC). « Ce texte est bien un Patriot Act à la française, pris en hâte après les attentats de janvier. Les algorithmes sont source d’erreur, on le sait. Pourquoi les légaliser quand le Congrès américain le refuse désormais ? Supprimons le contrôle par les boites noires qui fragilisent la sécurité des données des entreprises et des institutions à cause des failles que les cybercriminels savent exploiter. Instituons un contrôle de la CNIL, le seul rempart contre l’arbitraire, l’hypersurveillance et l’hypervigilance ».

 

 

C’est quoi le programme ?

Les sénateurs débattront véritablement des articles et des amendements à partir de 14 h 30 aujourd’hui jusqu’au 9 juin. Ensuite « leur » texte sera arbitré avec celui des députés en Commission mixte paritaire. Si le gouvernement le souhaite, c’est l’Assemblée nationale qui pourra avoir le dernier mot, du moins si la disharmonie perdure. Après cela, le projet de loi devrait être contrôlé par le Conseil constitutionnel, avant sa publication au Journal officiel. Une promesse de François Hollande, alors que plus de 60 députés se sont déjà réunis pour doubler cette saisine par une action parlementaire en ce sens. Ajoutons que le Conseil constitutionnel pourrait dans le même temps examiner le recours précité, initié par la Quadrature du Net, la FDN et FFDN, si du moins le Conseil d’État suit l’avis du rapporteur général en ce sens (notre compte rendu et l’interview de Me Spinosi)

 

 

 


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Source : http://www.nextinpact.com/news/95299-loi-renseignement-faux-positifs-atteintes-aux-libertes-pas-grave.htm

Par Marc Rees

 

 

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