Quand la machine pourra t-elle dépasser l’homme ?


Face aux progrès déroutants de l’intelligence artificielle, de nombreuses voix s’élèvent et alertent face à l’avènement d’une ère d’asservissement de l’Homme à la machine. En réalité, même si elle a réalisé d’impressionnants progrès, la technologie est encore loin de rivaliser avec l’Homme.

 

Il existe dans la communauté de l’intelligence artificielle une date qui symboliserait le passage d’une ère d’algorithmes soumis à l’Homme à une ère de machines dominatrices : la « singularité ». Cet instant théorique cristallise les inquiétudes, car les machines, une fois conscientes de leur environnement, seraient capables de se retourner vers leurs créateurs.

Cette panique est encouragée par des discours d’« évangélistes » de l’intelligence artificielle, comme ceux de la Singularity University créée avec le soutien de Google et de la Nasa. Ceux-ci s’attellent à dépasser le monde biologique en repoussant, par exemple, les limites de la mort. Ce transhumanisme prophétique illustre un regain de popularité du progrès technologique après le grand désamour qui avait succédé aux excès guerriers de son usage au début du siècle.

Une avancée sans précédent

L’intelligence artificielle est un des bras armés de la révolution technologique, et ses prouesses ne cessent de surprendre. Le récent « grand bond en avant » vient du passage de programmes aux instructions éditées par l’homme, à des programmes « apprenants » où la machine déduit à partir d’exemples les causes d’une conséquence.

Les utilisations commerciales de l’intelligence artificielle sont elles aussi de plus en plus perfectionnées et concernent tous les aspects de la vie d’entreprise. Des start-up proposent à présent des assistants personnels avec qui il est possible de communiquer pour consulter ou modifier un agenda. La voiture automatique de Google se déplace depuis plusieurs années sur les routes américaines et montre un taux d’accidents plus faible d’un conducteur humain .

D’autres algorithmes sont capables de proposer les meilleurs itinéraires en temps réel en prenant en compte la circulation actuelle, et enfin, l’intelligence artificielle s’est récemment illustrée en battant les plus grands joueurs de Go , considéré comme l’un des jeux les plus difficiles.

La limite de l’excellence

Ces impressionnantes performances cachent en réalité la plus grande limite de l’intelligence artificielle, son excellence à réaliser une tâche particulière, et non un ensemble de tâches. L’Homme, s’il ne peut exceller dans tous les domaines, doit cette imperfection à sa capacité d’adaptation.

Notre propension à faire des erreurs témoigne de notre capacité à nous adapter au monde qui nous entoure et à rechercher des solutions innovantes à chaque problème. Cette capacité d’adaptation à l’environnement manque aujourd’hui à l’intelligence artificielle.

 

 

Une autre des grandes limites du Machine Learning tient de sa nécessaire interaction avec l’Homme. Si la machine est aujourd’hui capable d’étudier les relations entre plusieurs variables, de choisir les paramètres les plus judicieux à la résolution d’un problème, elle n’est en revanche pas capable d’imaginer à priori quels éléments utiliser et de les rechercher de façon proactive.

Par exemple, la reconnaissance d’objets sur photos demande d’effectuer de nombreux tests et de comparer plusieurs modèles. Le rôle de l’Homme est ici de rechercher les variables explicatives (couleurs des pixels, interactions entre certains éléments de l’image, etc.) et de demander à l’algorithme d’évaluer leur importance statistique.

Une logique trop fidèle au cerveau humain

Un des freins au progrès sans fin de l’intelligence artificielle tient de sa méthode de conception. C’est souvent du fonctionnement du cerveau humain que les chercheurs s’inspirent pour résoudre les problèmes les plus complexes.

Or, il est difficile d’imaginer des méthodes de réflexions dépassant l’expérience que nous avons du raisonnement logique. De plus, le cerveau humain est à notre connaissance l’ordinateur le plus performant, et la technologie actuelle est à des lieux de pouvoir le recréer.

Sa capacité de stockage, souvent révisée, est aujourd’hui estimée à 1 petabyte, soit 1.000.000 de gigabytes, où la capacité d’environ 2.000 ordinateurs actuels. Sa vitesse de traitement d’opérations et elle aussi remarquable, et sa capacité d’adaptation est telle qu’il est impossible de l’imaginer d’un point de vue algorithmique.

Un danger organisationnel

Le futur de l’intelligence artificielle ne sera donc pas dans un asservissement de l’Homme par la machine, mais dans une plus grande association entre le créateur et son outil. Elle doit, en revanche, nous faire réfléchir à notre place dans la société et dans l’entreprise. Si les hommes ne sont aujourd’hui pas physiquement menacés par l’intelligence artificielle, son avènement entraînera une transformation radicale de l’organisation et de la répartition du travail.

De nombreux emplois et services seront remplacés par des algorithmes intelligents et autonomes. Ainsi, le plus grand défi de la société face à l’intelligence artificielle sera de repenser le rôle de chacun, et d’adapter tous les acteurs de l’économie à cette transformation.

Par Jonathan Trevier, fondateur de Sparkism

 

 


 

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Source : L’Homme dépassé par la machine, ce n’est pas pour demain, Le Cercle

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