Apprentissage : l’intelligence artificielle, une élève de plus en plus douée

Apprentissage : l’, une élève de plus en plus douée


Un programme informatique est-il capable, à manière d’un enfant, d’apprendre de son environnement ? S’il reste encore du chemin à parcourir, le machine learning, ou « apprentissage automatique », a connu des avancées significatives ces dernières années, poussé notamment par de grandes entreprises aux moyens inédits. Avec comme icône médiatique le Google Brain, qui a réussi la prouesse, en 2012, de découvrir le concept de chat en analysant des millions d’images issues du Web.

 

 

NOURRIR LE PROGRAMME : UN TRAVAIL FASTIDIEUX
La technique la plus courante de machine learning est l’apprentissage supervisé : pour qu’un programme apprenne à reconnaître une voiture, par exemple, on le nourrit de dizaines de milliers d’images de voitures, étiquetées comme telles. Un entraînement qui nécessite des heures, voire des jours, avant que le programme puisse en repérer sur de nouvelles images.

Cette technique est relativement ancienne, mais elle a fait un bond avec les récentes avancées technologiques. La masse de données désormais disponibles ainsi que la puissance de calcul à disposition des ingénieurs multiplient l’efficacité des algorithmes.

Cette nouvelle génération d’apprentissage supervisé fait déjà partie de notre quotidien : les outils de traduction automatique en sont le parfait exemple. En analysant des immenses bases de données associant des textes et leur traduction, le programme relève des régularités statistiques, sur lesquelles il se fonde pour trouver la traduction la plus probable non seulement d’un mot, mais aussi d’une formule, voire d’une phrase.

Efficace, cette méthode atteint vite ses limites. « Ces machines sont bêtes, souligne Pierre-Yves Oudeyer, directeur de recherche en robotique et sciences cognitives à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique. Elles ne comprennent rien aux phrases qu’elles traduisent, elles ont juste vu que telle phrase était souvent traduite de telle manière. » Qui plus est, elles nécessitent un travail fastidieux de la part des ingénieurs, chargés de concevoir les gigantesques bases de données pour nourrir leur apprentissage.

 

 

QUAND UNE IA INVENTE LE CONCEPT DE CHAT
Les chercheurs en intelligence artificielle s’emploient à dépasser ces limites, pour se rapprocher de l’apprentissage humain, comme l’explique Andrew Ng :

« Si vous réfléchissez à la façon dont les enfants apprennent à reconnaître les voitures, il n’existe aucun parent, aussi attentionné et patient soit-il, qui pointera du doigt 50 000 voitures. La plupart des neuroscientifiques pensent que pour apprendre les animaux et les enfants vont dans le monde et l’expérimentent par eux-mêmes. »
C’est sur cette idée que repose le projet de deep learning Google Brain, un réseau de neurones artificiels créé en connectant pas moins de 16 000 processeurs. En 2012, soit un an après son lancement, c’est ce programme qui avait réussi à découvrir le concept de chat. Concrètement, la machine a analysé, pendant trois jours, dix millions de captures d’écran de YouTube, choisies aléatoirement et non étiquetées. A l’issue de cet entraînement, le programme avait appris à détecter des têtes de chats et des corps humains – des formes récurrentes dans les images analysées.

Lire nos explications : Comment le « deep learning » révolutionne l’intelligence artificielle

 

 

LE CAS COMPLEXE DES ROBOTS
Apprendre en expérimentant le monde : c’est la problématique à laquelle sont confrontés les chercheurs en robotique développementale et cognitive. « On tente de voir comment les robots peuvent apprendre le sens d’un mot, à travers l’expérience sensorielle et motrice, explique Pierre-Yves Oudeyer. Une chaise, par exemple, il va falloir qu’il l’expérimente, qu’il se rende compte qu’il peut s’y asseoir. »

Comme tout programme d’apprentissage, cela passe par la recherche de régularités :

« Cela peut être par exemple : “Quand je bouge mon bras de telle manière, il se passe ça.” Ils pourront alors prédire les conséquences d’actions qui ne seront pas exactement les mêmes que celles déjà effectuées, dans un contexte qu’ils n’ont pas encore rencontré. »
Un sacré défi, car, contrairement au Google Brain, le robot doit collecter lui-même les expériences d’apprentissage. Impossible alors de s’entraîner sur des millions de possibilités, car cela prendrait trop de temps. Qui plus est, un robot doit être réactif à son environnement, et ne peut donc pas prendre plusieurs heures pour digérer les connaissances acquises lors de son expérience afin de préparer une réponse, qui sera entre-temps devenue obsolète.

Des expériences consistent par exemple à faire en sorte qu’un robot apprenne par lui-même à se déplacer. La machine doit expérimenter des mouvements puis enregistrer les conséquences sur son centre de gravité et son emplacement dans l’espace, puis en tirer des conclusions. Et recommencer, jusqu’à trouver la technique de déplacement la plus efficace.

Ces expérimentations peuvent être totalement aléatoires. Mais les scientifiques ont développé des algorithmes d’apprentissage actifs, « l’équivalent de la curiosité », précise Pierre-Yves Oudeyer, grâce auxquels les robots mesurent les expérimentations les plus intéressantes à effectuer pour progresser plus rapidement dans leur apprentissage. « On peut être surpris par le type de solution que le robot va trouver pour avancer. C’est parfois une solution qu’on n’avait pas imaginée, mais qui pourtant est efficace. »

 

« ON EST LOIN DE LA FLEXIBILITÉ D’UN ENFANT DE 5 OU 6 MOIS »
Malgré les résultats parfois impressionnants du machine learning, « le spectre de ce qu’une intelligence artificielle peut apprendre est très limité, nuance le chercheur. Le mécanisme de l’apprentissage chez l’enfant fait partie des grands mystères scientifiques, on balbutie donc dans la construction de machines dotées de capacités d’apprentissage similaires. » Pour les robots, « on est loin de la flexibilité d’un enfant de 5 ou 6 mois », prévient-il.

Et surtout, comment faire en sorte qu’un programme puisse apprendre sans l’intervention d’un ingénieur pour chaque tâche ? C’est une des grandes difficultés rencontrées dans l’apprentissage automatique :

« Aujourd’hui, on travaille sur des familles de tâches : faire qu’un robot apprenne à marcher, qu’il apprenne à attraper tel type d’objet, qu’il construise une carte d’un environnement… On développe un système ad hoc à chaque fois. Mais on ne sait pas comment une machine peut construire des représentations nouvelles pour des tâches nouvelles, comme apprendre à courir quand on sait marcher… On n’en a aucune idée. »

 

 

EN BREF :
Ce dont l’intelligence artificielle est aujourd’hui capable :

  • faire évoluer ses connaissances en analysant des données ;
  • découvrir des concepts en repérant seule des régularités statistiques.

Ce qu’elle ne sait pas faire :

  • comprendre les concepts appris ;
  • apprendre comme un enfant.

Les progrès qu’il reste à faire :

  • apprendre de nouvelles tâches par elle-même ;
  • développer sa curiosité.

 

 


 

Réagissez à cet article

Source : Apprentissage : l’intelligence artificielle, une élève de plus en plus douée

image_pdfimage_print