Les services de renseignement devraient-ils avoir accès aux clés de déchiffrement ?


Une initiative franco-allemande va tenter de convaincre les acteurs internationaux d’Internet et de l’informatique de la nécessité d’ouvrir leurs codes et leurs chiffrements pour lutter contre le terrorisme. Des voix s’élèvent au nom de la sécurité et des libertés.

 

 

 

Après le conseil restreint de Défense à l’Élysée le 4 août 2016, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a parlé chiffre. Avec son homologue allemand, Thomas de Maizière, il a proposé le 23 août une initiative européenne à vocation internationale pour « faire face au défi du chiffrement, une question centrale dans la lutte antiterroriste ». Le sujet est brûlant. Pas seulement depuis l’assassinat du père Hamel par des usagers de Telegram , d’ailleurs pas considéré comme la solution la plus hermétique d’un marché en plein essor.

Outre Telegram, les terroristes, des criminels et des gens très soucieux de l’intégrité de leurs communications utilisent pléthore de dispositifs de chiffrement comme ChatSecure, Conversations, Kontalk, Signal, Threema ou WhatsApp (même s’il appartient à Facebook depuis 2014), sans parler des anonymes Tor (réseau décentralisé) ou ToX (pair à pair). Là n’est d’ailleurs pas la question centrale. L’ennemi pourrait émigrer vers d’autres cieux numériques voire créer son propre outil chiffré…

 

 

Incapable de casser le code

Depuis l’audition à l’Assemblée le 10 mai de Patrick Calvar, le directeur général de la sécurité intérieure, la pression monte. Pour les attentats de Bruxelles, le DGSI avoue que « même une interception n’aurait pas permis de mettre au jour les projets envisagés puisque les communications étaient chiffrées sans que personne soit capable de casser le chiffrement ». Face au chiffrement aléatoire et autres complications futures, le DGSI a une réponse martiale : « Je crois que la seule façon de résoudre ce problème est de contraindre les opérateurs. » Nous y voilà. En février, le FBI s’est heurté au refus d’Apple de livrer les données de l’iPhone d’un des meurtriers de Daech qui a tué 14 personnes à San Bernardino le 2 décembre 2015. Avant que le FBI n’annonce avoir réussi à casser le chiffre de la pomme…

Bernard Cazeneuve ne dit pas autre chose. Il prend pour exemple sa négociation avec les majors d’Internet en février 2015 qui a permis d’élaborer une charte sur le retrait des contenus et le blocage des sites haineux. « Sur le chiffrement, il faut que nous ayons la même méthode, la même volonté, le sujet est crucial. »

Sauf qu’un courrier, publié par Libération, du directeur de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et lui-même cryptologue, Guillaume Poupard, affirme le contraire aux autorités : « Un affaiblissement généralisé serait attentatoire à la sécurité numérique et aux libertés de l’immense majorité des utilisateurs. » Permettre une intrusion des services de renseignement (par des « portes dérobées ») pourrait profiter à des gens ou des États (pas seulement islamiques) mal intentionnés. Quelle tendance va l’emporter ? En cette époque sécuritaire, de l’état d’urgence éternel et du désarroi politique…

Article original de Olivier Berger


 

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Original de l’article mis en page : Lutte contre le terrorisme : Faut-il ouvrir la porte du chiffrement aux services de renseignement ? – La Voix du Nord

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